Un portrait...
Autre groupe d'écriture, autre sujet, autre texte....
C’était l’un de ces greniers poussiéreux comme on se les imagine tant. Vestiges et souvenirs d’autrefois comme autant de traces d’un passé oublié, relégué aux oubliettes. Par ci par là, bibelots sans valeurs pour napperons défraîchis, que le temps a jauni et les insectes dévorés. Deux lucarnes tente tant bien que mal d’éclairer la pièce mais la crasse des années les ont rendus opaques, sans grand intérêt puisque la lumière qui s’en échappe éclaire à peine la pièce. Dans un coin un cheval à bascule, dans un autre, une table en chêne massif recouverte de papiers illisibles. Quelques coffres et d’anciennes machines à coudre, de bric et broc et compagnie. Plane dans l’air une odeur douceâtre et prenante d’antimite et de poussière, d’humidité et de renfermé. Au fond, un chevalet nappé d’un drap à la propreté douteuse. Caché aux yeux de tous, un portrait sans grande valeur, d’un artiste méconnu tombé aux oubliettes depuis longtemps, daté de 1940, signé par Jontours. Et l’on devine par la qualité médiocre de la peinture utilisée qu’il fut l’un de ces nombreux artistes à vivre des toiles vendues au hasard des rues.
C’est une femme qui est ainsi représentée, de trois quart, assise sur une causeuse, semblant regarder dans le vide. Seule le haut de son buste est visible mais au vu de la taille fine de ses épaules et des courbes légères de ses bras l’on peut deviner qu’elle était mince et gracile. Aurait-elle eu des cuisses lourdes et les pieds plats que nous n’en saurions rien. Un corset vert pâle, enserrant sa petite poitrine s’accorde parfaitement avec la couleur renard de ses cheveu. Remontés en chignon, quelques mèches rebelles s’en échappent et tombent avec grâce sur son cou pâle. Le trait est fin, les couleurs pastelles, a douceur émane de ce portrait et s’accorde parfaitement à l’expression de son visage, un brin mélancolique. Ses lèvres sont pleines et légèrement teintée de rose. Ses pommettes hautes et saillantes sont habillées de taches de rousseur. Elle n’est pas belle mais pour autant l’on distingue une certaine harmonie dans ses traits qui la rendent tout au plus, jolie. Son nez fin est légèrement retroussé. S on regard est clair, gris peut être à moins qu’il ne fût bleu. La peinture a vieillie, les couleurs également. Mais l’artiste n’était pas si mauvais que cela, tout du moins avait-il la main habile parce que chaque détail est parfaitement représenté, et l’on peut constater que les cils de l’inconnues sont nombreux et allongés. L’un de ces regards qui ne pouvaient laisser indifférent. Peut être avait-il succombé au charme du modèle et lui avait-il offert cette toile en gage de son admiration. A moins que ça ne soit à une sœur, ou la commande expresse d’un mari désireux de réparer quelques tords en offrant cette toile. Toujours est-il que l’on discerne dans l’expression de ses yeux une sourde tristesse qui semble habiter cette femme. Que cherchent ses yeux à fixer ainsi le néant ? Quelques réponses introuvables comme elles le sont généralement.
C’est l’un de ces portraits comme l’on peut en trouver dans les vides greniers vendus pas cher ou troqué contre une collection de CD de Johnny Hallyday. L’un parmi tant d’autres. L’un planqué sous un drap sale dans un grenier sombre dans lequel personne ne met jamais les pieds. Un portait destiné à l’oubli….